Vous avez nul souvenir de votre trajet jusqu’au bureau ? Vous retenez mal ce que l’on vous raconte ? Ces signes ne trompent pas: il est urgent de retrouver votre vigilance. L’éclairage de Catherine Bétourné, directrice du développement chez Docendi.
La focalisation tournée vers soi, vers autrui et vers la tâche que l’on doit accomplir est une compétence clé. Daniel Goleman, le pape de l’intelligence émotionnelle, fut le premier à mettre en évidence dans son livre « Focus » (Robert Laffont, 2014) cette faculté sous-estimée. Selon d’autres études, celle-ci serait un indicateur prédictif de réussite aussi essentiel et fiable que le QI. Grâce à sa capacité de focalisation, le manager accède à une performance maximale dans son job, décide mieux, tisse de meilleures relations avec l’équipe et la hiérarchie. Cinq principes pour la cultiver.
1. Méta-conscience
« Lorsqu’on est capable de remarquer qu’on ne remarque pas ce qu’on devrait remarquer », écrit Daniel Goleman, on récupère déjà une part de concentration qui s’était envolée. Vous regardez vos mails toutes les 5 minutes? Vous consultez pour la énième fois cet article de journal? Prenez illico de la hauteur.
>> A faire. S’arrêter 10 secondes sur sa productivité: « qu’est-ce que je fais ? » Ramener ses pensées au sujet principal -un seul- après avoir s’être focalisé sur une respiration et s’y être maintenu. Recommencer, à chaque nouvelle errance de l’esprit. C’est une gymnastique mentale qui musclera l’attention.
2. Morcellement
Vous ne tiendrez pas quatre heures non-stop sur un dossier ardu. Ni six à sept réunions d’affilée. Les activités complexes ou fastidieuses brûlent plus d’énergie que les autres. Mieux vaut les morceler en les découpant en tranches (étudier 15 pages de rapport, assister à 10 minutes de réunion au quotidien etc.). Puis alterner des tranches qui usent et/ou déplaisent et celles qui réjouissent et motivent.
>> A faire. Se lancer des mini-défis chronométrés. Vos neurones piqueront un sprint. C’est plus facile pour eux de se mobiliser s’ils ont une butée temporelle.
3. Emotions négatives
« Gare à vos notes de frais ! ». Dans l’ascenseur, votre patron dégaine cette remarque assassine alors que avez été félicité par vos pairs et n+2 pour avoir remporté deux contrat majeurs. Cette critique va vous pourrir la journée, tout comme le font des contrariétés domestiques. Elles vous obnubilent, tuant votre concentration. Le cerveau limbique, siège des émotions, se polarise en effet sur le négatif, même peu important, au détriment du positif, même majeur. Dès lors, il faut analyser et objectiver les faits perturbateurs. Le seul moyen de les éliminer.
>> A faire. Différer la résolution du problème et conduire ses méninges sur des aspects constructifs (un projet de loisir, une actualisation d’agenda etc.). L’attention se déporte du « moi » au « nous » et s’ouvre au monde.
4. Sens et plaisir
Lorsque la mission est rébarbative ou ennuyeuse, anticipez le bénéfice futur que vous allez dégager. En vous focalisant sur l’intérêt et la finalité de la tâche, vous atteindrez un état de concentration au top. Le test du Marshmallow menée en 1972 par le psychologue américain Walter Mischel auprès d’enfants de 4 ans, montre que si un tiers a su résister un quart d’heure à la tentation de manger l’unique friandise devant eux pour la promesse d’en obtenir deux, c’est en décrochant son attention de l’objet du désir et en la réaffectant sur une autre cible (un jeu dans la tête, une chanson, etc.).
>> A faire. S’interroger sur la signification et la portée pour soi, de toute action engagée : contentement, déblocage d’une situation, irréprochabilité, etc.
5. Abstraction (du brouhaha, des images)
Dans le TVG, l’agitation des passagers pollue votre champ visuel et le silence indispensable pour travailler. Pourtant, si votre famille ou votre patron vous contacte, vous zapperez ces bruits par le mécanisme du « verrouillage de phase » décrit par le neurobiologiste américain Richard Davidson. En clair, par la capacité à se créer une bulle autour de soi malgré les distractions. De fait, a constaté ce chercheur, plus la contrainte de temps est forte, plus l’enjeu stratégique est puissant, plus l’enjeu affectif est élevé, plus l’attention est intense. La famille relevant de l’affectif, et le boss du « stratégique » vous serez tout ouïe, et sans effort, pour eux. Si les trois points sont réunis, la focalisation sera optimale.
>> A faire. Valoriser le lien affectif dans ses activités (aider un collègue, satisfaire un client, etc.) ; se rappeler en quoi la tâche peut être utile (carrière, notoriété etc.) ; minuter ses occupations.