Cette fois, la moutarde vous monte au nez alors que d’habitude vous êtes pétrifié. La colère vous envahit ou bien elle vous ronge. Comment la canaliser et l’exploiter? Les suggestions de Nathalie Dedebant, coach et consultante chez Cegos (1).
La colère a mauvaise réputation parce qu’elle est associée à la violence. Or c’est une fonction vitale qui permet de déplacer l’obstacle, de le contourner ou de le fuir. En entreprise, la saine colère aide à se faire respecter. Et pour y parvenir, il faut maitriser cette colère néfaste qui ravage tout. Typologie en cinq profils.
1. La colère exacerbée : j’explose à tout propos
La situation : Votre collègue vous interrompt pour vous annoncer le report en fin de journée d’une réunion sur le projet Z, capitale pour vos travaux. En plus, vous devez partir à 17 heures. Tout rouge vous hurlez sur Luc en l’attaquant : » C’est inadmissible ! Tu n’es pas sérieux. Tu m’avertis à la dernière minute. Il faut se réunir à midi ! «
>>> Le conseil: se recentrer sur soiVous êtes hors de vous ? Demi-tour. L’accumulation des contrariétés n’est pas une raison pour accuser Luc. Il n’est que messager. Respirez pour faire retomber la pression. Puis de procédez en trois phases.
1/ faites reformuler à l’autre ce qu’il dit pour éviter le tac au tac.
2/ touchez une partie de votre corps (se serrer la main, se pincer) afin de reprendre contact avec vous-même.
3/ usez du » je » et non du » tu » qui juge tout en verbalisant un ressenti. » JE suis fâché, JE suis en pétard. « , » JE pense que ce n’est pas sérieux « , etc.
2. La colère déguisée : je fais des remarques insidieuses
La situation : » Les DRH ne sont jamais très clairs, c’est bien connu ! » ou » Ne pensez-vous pas qu’il faut aligner les discours et les actes ? » Agacé par les propos confus de ce responsable, vous l’apostrophez en public prenant des détours (ironie, sarcasme, insinuation), pour le mettre en défaut. Vous arborez un sourire qui masque votre courroux. Et l’autre ne le comprend pas toujours. Ou encore vous êtes dans la plainte continuelle.
>>> Le conseil: adopter les 4P
Cette technique en quatre étapes permet de prendre du recul.
1/ Présenter les faits : « je ne suis pas à l’aise avec votre discours. » 2/ Partager les émotions : » J’en suis contrarié » .
3/ Proposer des solutions : » j’ai besoin de cohérence et d’explications « .
4/ Produire du futur. Je réinterroge le DRH pour comprendre.
3. La colère provoquée : je suis piqué(e) à vif
La situation : Vous venez de rendre un rapport au service marketing et votre pair est désobligeant. » C’est bourré de fautes d’orthographe. La présentation est moche. Tu aimes le vert, ça se voit ! « . Vous vous sentez agressé et vous en êtes crispé.
>>> Le conseil: amortir le choc
Adoptez la technique de l’édredon, très efficace. Il s’agit de faire le tri de l’acceptable ou non dans ce qu’on vous dit. En restant zen, répondez.
1/ sur la présence de fautes, acquiescez » Oui, c’est vrai. »
2/ sur la présentation et la couleur, assumez : » lorsque tu affirmes que c’est moche, c’est ton point de vue. Le vert ne te plait pas, moi, si. « . Vous distinguez ainsi le factuel – les fautes – et l’opinion – le vert -. Surtout résistez à l’envie de provoquer en retour – » tu n’as aucun goût » – ou de vous justifier.
4. La colère en escalade : je monte dans les tours
La situation :Votre collaborateur n’a pas contacté le fournisseur, croyant que vous vous en chargiez et réciproquement. Du coup, il n’y pas eu de livraison. Et chacun se renvoie la balle dans une âpre surenchère à deux. Vous estimez avoir raison, campé sur votre position, culpabilisant l’autre. » C’était à toi d’appeler ! « .
>>> Le conseil: dire « nous »Prenez l’initiative en stoppant votre emballement. Puis déclarez d’un ton serein : » Arrêtons-nous là, reprenons nos esprits » ou » Calmons-nous « . Une façon de s’inclure, de reconnaitre que soi aussi, on s’est laissé embarquer dans un pic émotionnel. En tant que manager, vous pouvez alors mettre des mots sur vos émotions : » je suis en colère « . Cela incitera l’autre à parler à son tour. Et une fois revenu sur un mode rationnel, chacun formulera ses besoins : » Comment s’organise-t-on dans l’avenir ? «
5. La colère inhibée : je n’ose pas m’exprimer
La situation : Votre chef vous refuse une prime que vous deviez recevoir. Impossible pour vous d’en discuter. Or, vous la méritez et frustré (e) vous pleurez de rage. Ou devenu blanc, vous ravalez votre salive avant de décamper sans piper mot. Ou encore vous prenez sur vous pour arrondir les angles.
>>> Le conseil : s’autoriser à être dans le jugement
Attention à ne pas trop refouler vos émotions. Vous avez le droit de ne pas être content, d’exister dans l’indignation. Il faut accueillir la colère, la faire monter. Pour vous aider, écrivez vos griefs. Puis allez voir des collègues qui vous encourageront. » Tu as raison, ne te laisse pas faire ! « . Dans le cas de la prime, assurez-vous du soutien de votre n+2 et poussez-vous à voir le n+1 : » Allez, j’y vais, j’attaque « . La colère est alors constructive. Elle donne l’énergie de négocier ou de dire non.