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«Le jour où j’ai compris que le mot échec est synonyme d’expérience»

Pour elle, un entrepreneur doit se préparer mentalement et psychologiquement à traverser d’intenses périodes de doute et à vivre des échecs, dont il tirera une force supplémentaire.

L’échec et le rebond sont mes compagnons de route depuis le plus jeune âge. Dyslexique mais non diagnostiquée en tant que telle – comme beaucoup d’enfants scolarisés dans les années 1990 où ce trouble des apprentissages n’était ni nommé ni reconnu -, j’ai eu mon lot de difficultés scolaires et de commentaires plus ou moins sympathiques sur mes bulletins de notes ou lors des rencontres parents-profs. C’est très formateur à un âge où votre personnalité et votre ego se construisent …

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Le jeu fait partie de mon ADN depuis l’enfance. J’ai toujours aimé me lancer des défis, sortir des cases dans lesquelles on cherchait à me mettre. Par exemple, j’aurais pu me contenter du CAP que l’on me recommandait. Mais le secrétariat ne m’attirait pas, je voulais faire autre chose, prendre du plaisir, créer, non pas en niant mes difficultés – ce qui aurait été impossible – mais en les assumant. Je me suis donc décidée à choisir une filière pour laquelle je n’avais a priori pas les aptitudes requises. J’ai fini par décrocher un BTS en alternance, puis je suis partie aux États-Unis poursuivre mes études à deux pas de la Silicon Valley… Et tout s’est enclenché au niveau professionnel là-bas, parce que personne ne s’est arrêté à mes échecs scolaires ou à ma différence.

Entreprendre, c’est prendre part à un jeu qui comprend des risques

De la même façon, créer une entreprise, c’est faire un pari, prendre un risque et l’accepter. On peut tout à fait réussir sans avoir le profil type de « l’entrepreneur à succès », décrit dans les livres. Il y a beaucoup d’exemples autour de nous : Leur point commun : être joueur, oser prendre des risques, les assumer (surtout quand les affaires vont mal) et assumer ce qu’ils sont.

C’est cette force de caractère, ou plutôt cette conviction intime de sa capacité à rebondir, qui permet à un entrepreneur d’entreprendre plusieurs fois. Et c’est la compétence, l’aptitude qu’il faut encourager à développer chez tous les entrepreneurs. Parce que créer et développer une entreprise n’est jamais un long fleuve tranquille. Il faut être mentalement et psychologiquement prêt à traverser des périodes de doute, voire des échecs complets. Et pour cela, on n’est jamais assez prêt.

Quand j’ai dû mettre la clé sous la porte d’Art-DV (place de marché d’objets faits main), j’ai bien compris la règle du jeu de entrepreneuriat, à savoir : quand on joue, on peut perdre. Et sûrement que mon expérience depuis l’enfance de l’échec et du rebond a été très utile pour franchir cette étape. Le plus difficile n’a pas été la fermeture de l’entreprise mais la séparation avec l’équipe, humainement compliquée à gérer.

Assumer pour soi, encourager les autres à assumer

Des entreprises qui ferment, il y en a tous les jours ; des entreprises qui se créent aussi ! Mais j’avais des dettes à honorer. Je n’ai donc pas eu d’autre choix que de rebondir vite. Après une analyse de ce qui m’était arrivé et un travail de deuil de mon entreprise, j’ai cherché un emploi salarié (je ne pouvais pas créer une nouvelle entreprise du fait de mon fichage 040 à la Banque de France). J’ai activé mes contacts américains et français. Les Américains ont réagi en six semaines là où il a fallu neuf mois aux Français. Et ce, pour la même raison ! Dans l’Hexagone, on m’avait collé l’étiquette de « loser » ; à l’inverse parce que j’affichais cette expérience entrepreneuriale et que j’assumais toute l’histoire, y compris l’échec, un groupe américain m’a proposé un très beau challenge.

Tout cela m’a convaincue qu’il fallait encourager les entrepreneurs à ne plus cacher leurs erreurs et leurs échecs. D’où mon engagement pour la création du mouvement des Rebondisseurs français. Créer cette association entrepreneuriale est une autre façon d’assumer mes échecs, en défendant l’idée que c’est inhérent au métier d’entrepreneur et en disant haut et fort que ce n’est pas grave du tout : au contraire, c’est ce qu’on appelle l’expérience. Ainsi, j’ai fait de mes échecs une force, pas seulement pour moi, mais aussi pour les autres.