Entrepreneure, elle a très tôt compris l’importance du réseau sur le terrain. Elle en a démontré l’efficacité avec Femmes de Bretagne, qui fête ses cinq ans.
Les femmes entrepreneures réseautent peu : 53% d’entre elles n’ont jamais appartenu à un réseau (source BNP Paribas), d’abord parce qu’elles assimilent cela à une perte de temps et qu’elles ne se sentent pas forcément légitimes.
Ensuite, parce qu’il faut bien le reconnaître, le réseautage se réalise souvent tôt le matin ou tard le soir. Des horaires difficilement compatibles avec une vie personnelle intense et une charge mentale encore trop souvent déséquilibrée quand il y a des enfants : nous sommes tiraillées entre les obligations familiales et l’envie de développer notre business.
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Pourtant, c’est dans ces moments de réseautage formel ou informel qu’une grande partie du business se joue.
Je me souviens du témoignage d’une femme, ancienne salariée dans un grand groupe. Elle était exemplaire au travail et mettait un point d’honneur à finir parmi les dernières le soir. Pourtant, elle décrochait moins de contrats que ses collègues hommes. La veille de quitter le groupe, elle s’est enfin autorisée à aller à un vernissage. Elle a été sidérée d’y retrouver une bonne partie de ses collègues. Voilà comment ils faisaient du chiffre.
Qu’on soit entrepreneure, salariée ou porteuse de projet, s’ancrer dans son territoire est indispensable pour développer son activité. Bien sûr, il faut se faire violence au début, notamment pour le réseautage informel; Sandra Le Grand décrit très bien comment faire dans ses propres carnets d’entrepreneures.
Pour être connue et reconnue sur son territoire, intégrer un réseau local est clé. Le seul critère qui compte : s’y sentir bien avec l’envie de donner pour ensuite recevoir.
Une logique d’entraide
Pour ma part, je n’aurais jamais osé pousser la porte d’un réseau. C’est pourquoi j’ai créé Femmes de Bretagne en 2014, aujourd’hui coprésidé par Elena Maneru. Je rêvais d’un réseau pour toutes les femmes quel que soit leur statut : dirigeante, au chômage, retraitée, salariée, porteuse d’une idée… Un réseau d’entraide pour créer et développer son entreprise.
Femmes de Bretagne était à l’origine une plateforme permettant d’échanger des coups de pouce autour de l’entrepreneuriat : « que pensez-vous de mon logo ? », « Je souhaite réaliser une étude de marché. Pourriez-vous y répondre ? » Très vite, les membres du réseau ont souhaité se rencontrer dans leur ville. J’ai freiné en expliquant qu’il existait bien d’autres réseaux qui organisaient de telles rencontres. Elles m’ont répondu « oui, mais on souhaite se retrouver autour de nos valeurs d’entraide et de bienveillance ! » Et les rencontres ont commencé.
Le réseau est présent dans les grandes villes comme dans les zones rurales et les membres en sont elles-mêmes les actrices. Ce qu’elles apprécient ? Pouvoir venir comme elles sont, en botte de pluie ou en talons aiguilles, sans craindre le moindre jugement. D’ici la fin novembre, l’initiative deviendra nationale, avec la fondation Entreprendre et le soutien d’AXA : cela s’appellera Femmes des Territoires.
Pourquoi un réseau féminin ? Ce n’est pas un réseau contre les hommes, ni un réseau pour rester recluses entre nous. L’intérêt d’un réseau féminin, quel qu’il soit, est de pouvoir s’identifier les unes aux autres quand on manque encore cruellement d’exemples d’entrepreneures autour de soi. Voir que celles qui nous ressemblent et vivent les mêmes difficultés ont réussi à développer leur entreprise permet de s’encourager mutuellement et de se dire « pourquoi pas moi ? » Autre intérêt des réseaux féminins : l’authenticité. Pas besoin d’affirmer qu’on est la meilleure. On peut parler de ses doutes et de ses faiblesses.
L’efficacité du réseau micro-local
Selon le cabinet Utopies, dirigé par la Directrice, aujourd’hui 97% de ce qui est produit dans une petite ville en France est exporté et, à l’inverse, 98% de ce qui y est consommé est importé.
Il est temps d’ancrer l’économie et de travailler ensemble sur un même territoire. Après cinq ans d’existence sur la Bretagne, nous avons constaté que le réseautage se déroule en micro-local, à l’échelle d’une ville ou d’un village, même si la fierté d’appartenance est régionale ou nationale.
De manière générale, dans les territoires où les réseaux d’accompagnement et d’entraide, qu’ils soient mixtes ou féminins, sont en lien et fonctionnent en bonne entente, le parcours de l’entrepreneur est simplifié et beaucoup plus performant. Trop souvent encore, les réseaux se voient comme concurrents ou restent isolés des uns des autres pour des questions d’image, de course aux subventions ou aux partenaires.
Un tel raisonnement n’a plus sa place aujourd’hui. Plus l’énergie circule au sein d’un même territoire entre les différents réseaux, plus les retours sont positifs pour les entrepreneurs et l’économie locale.