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Comment éviter l’échec en franchise

Mauvais emplacement, concept bancal, point de vente surdimensionné… quelle que soit la cause de leurs déboires, les franchisés concernés vivent tous un parcours du combattant.

Un emplacement dans une rue semi-piétonne à deux pas des transports et d’un quartier bobo de Lyon, une marque nationale premium ! Quand elle ouvre, en décembre 2012, son salon de coiffure sous la bannière d’un réseau réputé, elle est évidemment très confiante. « J’avais respecté le cahier des charges pour l’aménagement du salon, suivi la formation initiale et embauché deux personnes comme l’avait recommandé le franchiseur. Bref, j’avais mis toutes les chances de mon côté », se souvient-elle.

Les gens passent, regardent les tarifs, mais n’entrent pas. Patricia alerte le franchiseur. L’animateur se déplace pour constater que tout est en ordre. Mais point de proposition concrète pour booster l’affaire. Rapidement, elle licencie ses deux employés, se fragilise, mais s’accroche. En baissant les prix, le salon se remplit un peu. Mais pas assez. Le franchiseur lui met la pression, arguant du fait qu’elle crée du tort aux autres franchisés du réseau. Qu’importe, la cheffe d’entreprise se rapproche des commerçants locaux, fait de la pub… en vain. Définitivement, le quartier, très populaire, ne correspond pas à la cible de l’enseigne.

Au bout de six mois, même avec une redevance divisée par deux, Patricia n’a plus les moyens de payer. Le franchiseur ne consent aucun autre effort. Début 2014, dix-huit mois après son lancement, elle dépose le bilan, vend sa voiture et sa maison pour continuer à vivre, rembourser une partie de ses dettes et payer les études de sa fille… un cauchemar. Un cas loin d’être isolé. Car entreprendre en franchise n’est pas une assurance tous risques. Même si les réseaux n’aiment pas s’étendre sur le sujet, les échecs de franchisés ne sont pas aussi rares qu’ils le laissent penser. Les raisons sont diverses. Du fait du franchiseur. Mais aussi du franchisé.

On ne vend pas la même chose à Paris ou à Melun

En cause, souvent, le choix de l’emplacement et/ou de la ville d’implantation. « Même avec le meilleur concept du monde, si le lieu n’est pas bon, l’affaire ne fonctionnera pas. On ne vend pas nécessairement la même chose à Paris ou Melun, dans le Nord ou dans le Sud. Ou dans les différents quartiers d’une même ville », insiste Charlotte Bellet, avocate au cabinet BMGB. Outre l’emplacement, le choix même du secteur est décisif. Certaines activités sont plus fragiles que d’autres, voire déjà saturées.

On trouve aussi des concepts pas assez rentables pour justifier d’un développement en franchise. Et pourtant les franchiseurs se lancent et multiplient les ouvertures. « Les nouveaux points de vente représentent une manne. En plus des droits d’entrée, ils encaissent les marges arrière sur les matériaux et matériels permettant l’agencement et l’équipement du point de vente, les redevances pour la formation et la communication. Pour eux, peu importe que les franchisés échouent la première ou la cinquième année. Ils ont empoché les sommes dues à l’installation et ils peuvent continuer à se développer », déplore la défenseuse des franchisés. Pour l’avocate, un dossier de franchisé sur deux rencontrant des difficultés relève d’un problème de surface d’établissement. Un surdimensionnement souvent imposé ou fortement conseillé par la tête de réseau, mais qui rime avec charges locatives et salariales disproportionnées.

Un local parfois surdimensionné

Jean*, ancien salarié d’un réseau de cuisinistes, installé avec son frère comme franchisé dans les Vosges, en a fait les frais. En août 2012, ils ouvrent leur showroom avec cinq personnes à la vente. « C’était un standard du réseau : 400 mètres carrés, 5 salariés, 12 cuisines vendues par mois et par vendeur pour un chiffre d’affaires mensuel de 90 000 euros », se souvient-il. Voilà pour la théorie car sur le terrain, la recette ne fonctionne pas. Faute de flux en magasin à cause d’une zone de chalandise trop restreinte, les deux frères génèrent péniblement 45 000 euros de chiffre d’affaires par mois. Mais les charges (loyers et salaires), elles, demeurent.

Dès 2013, leur expert-comptable les alerte sur les dérives financières. Ils font venir sur place le franchiseur pour lui démontrer le surdimensionnement du local et lui faire part de leurs difficultés à honorer leurs charges et l’achat de cuisines. Sourde à leurs déboires financiers, la tête de réseau coupe les livraisons de cuisine et les incite à vendre leur affaire pour 100000 euros – contre un investissement initial de 400 000 euros. Ils refusent, liquident leur entreprise en novembre 2013 et attaquent en justice le franchiseur sur la véracité des chiffres fournis dans l’étude de marché et sur la taille du local suggéré. « C’est un véritable drame financier. Ma maison a été hypothéquée, je dois encore 52 000 euros à la banque et je n’ai plus d’économie », liste Jean qui a heureusement retrouvé un poste de salarié.

« Un aménagement de la voirie qui inverse le sens de passage d’une rue, des travaux de tramway qui durent deux ans… Ces aléas de chantier peuvent aussi conduire à une catastrophe économique pour les franchisés », insiste Charlotte Bellet. Mieux vaut donc se renseigner auprès de la mairie, mais aussi chez les voisins (commerçants ou pas), pour connaître les travaux dans les mois à venir. Se rendre sur place plusieurs fois d’affilée et faire une enquête de terrain s’impose mais ne suffit pas toujours.

Une implantation mal choisie

En juillet 2012, Pierre* inaugure sa boulangerie haut de gamme de 200 mètres carrés implantée autour d’un rond-point très passant de la banlieue . L’affaire s’annonce juteuse. Dès septembre, pourtant, les ennuis commencent. Le rond-point est engorgé aux heures de pointe, horaires de l’achat du pain. Pas question pour les clients de faire un détour par sa boulangerie et de perdre ainsi leur place dans la longue file de voitures. « Le franchiseur m’a apporté la compétence technique, mais pas les conseils adaptés à la zone d’implantation. De même, il ne m’a pas communiqué l’état de marché préalable à la signature, à savoir la concurrence présente, la composition de la population par catégorie socioprofessionnelle… Il m’a également caché le montant du loyer moyen dans le réseau, 3 500 euros par mois contre 5500 euros de mon côté », enrage-t-il.

Malgré de multiples alertes, le franchiseur laisse Pierre s’enfoncer et dépenser (espaces publicitaires 4×3, pub radio, dégustations de pain sur le rond-point). Peine perdue. Pierre ne vend pas son pain, il perd 90 % de sa marge. En juillet 2014, il liquide sa société et se retrouve aujourd’hui avec un dossier de surendettement sur les bras et une menace de saisie de son domicile familial. Même s’il a gagné en première instance contre le franchiseur, cet ex-franchisé attend le verdict de l’appel avant de crier victoire. Il devine qu’il ne récupérera pas toutes ses billes, et que les dommages et intérêts qu’il espère, ne suffiront pas à couvrir le préjudice moral et psychologique qu’il a subi.

Tous les franchiseurs ne brillent pas par leur honnêteté. Mais tous les échecs ne leur incombent pas non plus. Certains franchisés n’ont pas le profil, ni le sens du commerce, ni les compétences requises de gestionnaire et de manager. « D’aucuns pensent aussi que leur présence en magasin est facultative. Erreur. Au début, et tant qu’on n’a pas les moyens de payer un manager ou un directeur de point de vente, le franchisé doit être sur place. Il en va de l’image de son affaire et donc de sa pérennité ».