Clauses, exclusivité, redevances… La partie contractuelle d’une franchise ne doit pas être sous-estimée. Avant de signer, soyez bien au fait de vos droits et devoirs.
Plus les années passent, plus les contrats deviennent épais », note, avocate associée du cabinet BMGB, l’un des rares à défendre les franchisés. Et d’ajouter : « Jamais, ils n’ont été aussi déséquilibrés, au profit de la tête de réseau ».
Pour redonner ses lettres de noblesse à la franchise, l’avocate promeut depuis 2017, sous l’appellation « franchise équitable », des modèles de documents d’information pré-contractuelle (DIP) et de contrats « parfaitement clairs et anti-conflits ». Sept réseaux dont ils ont d’ores et déjà choisi de les adopter et de bannir certaines clauses préjudiciables au franchisé. Un bon point, car une fois lié avec une enseigne, plus question pour le franchisé de négocier quoique ce soit ou de quitter le réseau à sa guise. Même si la réforme du droit des contrats, en vigueur depuis octobre 2016, a moralisé les relations entre les réseaux et leurs membres, il faut être très vigilant.
Avant d’investir ses économies et de s’engager pour des années avec une enseigne, un candidat doit absolument éplucher les documents qui lui seront remis et ce, avec l’aide d’un expert-comptable et d’un avocat spécialisés. Etant donné l’importance des sommes en jeu, il serait absurde de mégoter sur leurs honoraires : pour environ 1000 euros chacun, ces experts vous diront s’il est raisonnable ou non de signer et, au besoin, ce qu’il faut négocier.
La loi dite Doubin de 1989, et plus précisément l’article L.330-3 du Code de commerce, protège en effet les candidats en obligeant les réseaux à leur fournir, en amont, un projet de contrat et un DIP leur permettant de s’engager en connaissance de cause. Le candidat dispose ainsi de vingt jours minimum pour éplucher ces documents, qui ne l’engagent à rien hormis à garder les données confidentielles. Prenez le temps nécessaire pour étudier les choses, et ne cédez pas aux éventuelles pressions du réseau qui fera tout pour accélérer la démarche.
DIP : éplucher toutes les données
Avec ses annexes, le DIP peut compter plusieurs dizaines de pages. Si la lecture fait de prime abord froid dans le dos, tout doit être scruté et vérifié. Suivez le guide.
L’historique du réseau : le développement de l’enseigne (lancement, rachat, rythme des ouvertures…) doit être retracé au moins sur les cinq dernières années. Sur Internet, lors de discussions avec le développeur et avec des franchisés en place, renseignez-vous à fond sur l’essor du réseau, sur sa stratégie, ainsi que sur le cursus de ses dirigeants (animateur compris, puisque c’est à lui que vous aurez affaire au quotidien).
L’état du marché : l’état général du marché détaille le positionnement du concept, sa clientèle et ses perspectives de développement ; l’état local s’appuie, lui, sur des données démographiques et sur un relevé de la concurrence pour cerner la clientèle potentielle dans la zone convoitée par le candidat. À vous de vérifier si ces données sont exactes (grâce à l’Insee, à la mairie, à la CCI, au manager de centre-ville) et de faire ensuite votre propre étude de marché. Ce travail de fourmi vous permettra de qualifier minutieusement vos prospects en fonction de l’adresse précise où vous souhaitez vous installer.
La liste des entreprises du réseau : demandez à la tête de réseau comment elle gère la cohabitation entre franchisés, succursales, corners, magasins multi-marques… » Examinez en outre la quantité de renouvellements de contrat par les franchisés, ainsi que le nombre et le motif des ruptures (qui doivent être mentionnées pour les douze derniers mois, mais remontez au-delà). « Méfiez-vous si le DIP mentionne qu’un contrat s’est terminé d’un commun accord ou en raison de problèmes familiaux : en réalité, les franchisés jettent presque toujours l’éponge parce que leur affaire n’est pas rentable ».
Le numéro d’enregistrement : sur le site Internet de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) Bases-marques.inpi.fr, vérifiez que la société franchiseuse possède bien les droits sur la marque, et qu’elle n’a pas créé de réseau concurrent sous un nom proche.
Le contrat de réservation de zone : pour « bloquer » le territoire convoité, le temps de trouver un local adapté, il est souvent possible de signer un contrat de réservation de zone, moyennant le versement d’une somme (ensuite déduite du droit d’entrée). Voyez dans le DIP si cette somme sera perdue, en totalité ou en partie, au cas où vous ne signiez finalement pas le contrat de franchise.
Contrat: les clauses à surveiller
D’une durée de cinq à sept ans, les contrats vous engagent sur le long terme. Certaines clauses subtiles ne sautent pas aux yeux.
Les parties signataires : refusez les clauses précisant que vous vous engagez en votre nom propre, « ainsi que les clauses de porte-fort, de solidarité ou d’engagement de caution ». En cas de problème en cours de contrat, vous seriez en effet responsable sur vos biens personnels. » Proposez plutôt une autre garantie à l’enseigne, par exemple une somme consignée sur un compte ».
La durée du contrat : aidé par votre expert-comptable, calculez en combien de temps vous récupérerez votre mise de départ, et faites coïncider la durée du prêt bancaire et celle du contrat. « Si vous souhaitez allonger cette dernière, le franchiseur a toutes les chances de vous dire oui », selon l’avocat. En revanche, n’espérez pas trop raccourcir un contrat de moins de cinq ans : « Un franchiseur vous donne en quelques semaines tout ce qu’il a appris en plusieurs années ; il est normal qu’il ne vous laisse pas partir au bout de deux ans. » Le cas échéant, négociez aussi pour que le contrat prenne effet au lancement de votre activité, et pas avant, afin que les premières rentrées d’argent vous aident à régler les redevances.
Les obligations du franchiseur
La transmission du savoir-faire : c’est le b.a.-ba en franchise. Il s’agit de l’ensemble des méthodes (commerciales, techniques, logistiques, informatiques) que le réseau transmet aux franchisés. Ces méthodes sont testées, approuvées et permettent la réitération du concept. Ce savoir-faire est secret (il ne doit pas être divulgué), substantiel (il procure un avantage concurrentiel pour le franchisé et le consommateur) et identifié (il est formulé par écrit).
L’accompagnement :
c’est un autre pilier et une obligation du franchiseur, qui doit former et accompagner ses troupes. Ne vous fiez pas aux belles promesses orales. Voyez ce que prévoit le contrat, notamment en termes d’animation et de fréquences de visites. « S’il est écrit que l’animateur pourra effectuer tant de visites par an, cela signifie qu’il les effectuera… ou pas ! ».
La zone d’exclusivité : le franchiseur vous concède une zone d’exclusivité, mais ce n’est pas toujours très clair. Il aura les coudées franches pour installer des points de vente situés dans les gares, les aéroports ou les centres commerciaux, même s’ils sont situés dans votre périmètre géographique.
Les devoirs du franchisé
Le respect des normes : tout au long du contrat, vous devrez vous conformer au savoir-faire du franchiseur (design du magasin, approvisionnement, tarifs conseillés, méthodes de vente, règles d’hygiène…). « En cas de manquement grave, prévient l’avocat spécialisé dans la défense des enseignes, le réseau pourra résilier le contrat aux torts du franchisé » ce dernier devant alors s’acquitter de toutes les redevances qui restaient à verser, en plus d’éventuels dommages et intérêts.
La transmission de l’unité : le jour où vous voudrez revendre votre affaire, gare à la clause d’agrément, qui donne à la tête de réseau le pouvoir de valider le repreneur. « Faites donc inscrire dans le contrat une liste de critères objectifs pouvant motiver un refus du franchiseur », Attention aussi aux clauses de détermination du prix et aux estimations elles risquent de minorer la valeur de votre fonds de commerce.
Les clauses de non-concurrence : une fois votre contrat terminé, vous devez pouvoir continuer votre activité dans votre local. Ne signez donc jamais une clause de non-concurrence, qui vous obligerait à vous reconvertir du tout au tout. Méfiez-vous aussi des clauses de non-affiliation, qui vous interdisent de rejoindre une enseigne rivale : négociez par exemple pour que la clause ne porte que sur les deux grands réseaux concurrents… Ce qui vous laissera la liberté de rejoindre le n° 3 du secteur.